De passage dans ce magnifique baisodrome d’alcooliques congestionnés qu’est l’Angleterre, je n’ai pu résister à l’envie de découvrir ses stades et comment se manifestait cette passion du football dans un pays qui se vante de l’avoir inventé.
Parachuté en plein Londres, je me dis qu’il ne devrait pas être trop difficile de trouver une place de match dans une ville qui compte tout de même 5 clubs parmi l’élite et beaucoup d’autres encore dans des divisions inférieures. Grossière erreur puisque 4 jours avant les matches plus aucun billet n’était en vente. Je me rends quand même à West Ham, le Sarcelles anglais où le curry est roi. Mais quelle galère pour trouver le stade : personne ne parle anglais et mon niveau en Pakistanais n’est pas des plus fameux (c’est là qu’on regrette d’avoir séché les cours de Pakistanais au collège). Mais je parviens tant bien que mal à trouver Upton Park où devait se jouer West Ham United contre Newcastle United. Et là, surprise, les grilles sont fermées et il n’y a pas âme qui vive aux alentours de l’enceinte sportive. Je lis alors sur un papier par terre plein de fish and chips et autres gourmandises britanniques que le match est reporté (pour une fois, c’est pas la faute à la LNF). Bref, je l’ai profondément dans le cul (la partie la plus érogène du corps, rappelons-le) et je fais tout pour rentrer au taudis qui me sert d’hôtel sans trop me faire remarquer. Mais bon, un gars de type occidental avec un bomber et en plus qui parle anglais dans ce quartier ça attire forcément l’attention et je manque de peu de me faire masser le dos par 3 autochtones disciples de Gandhi.
Après quelques nuits blanches rythmées par des cuites incessantes à coups de Guinness et de bières brunes, je me rends à Stamford Bridge pour Chelsea / Coventry en espérant trouver un billet pas trop cher au marché noir. Mission à moitié réussie puisque je trouve un billet. Le compte en banque vidé mais le précieux sésame en main, je m’en vais à l’assaut du temple des Headhunters. A l’extérieur : un dispositif policier impressionnant, une boutique gigantesque (3 niveaux), un hôtel restaurant, d’innombrables stands pour parier sur le score ou les premiers buteurs du match, une crèche et des vendeurs de panoplies mastriennes. A l’intérieur : un stade typiquement anglais, des stewards de toutes les couleurs disséminés dans tout le stade, des places très proches de la pelouse, un public très familial (très peu de bombers et de sales gueules), des urinoirs de 10 mètres de long, des stands qui vendent des bouteilles en verre de Carlsberg (alors qu’il est interdit d’introduire de l’alcool et des objets coupants dans le stade ! ! !). Une des grosses surprises vient du fait que je ne me suis pas fait fouiller (encore mieux qu’à Sedan ou Besançon ! ). On m’avertit cependant que lors des « big match » la fouille est extrêmement sévère et il est même demandé de ne pas avoir de pièces de monnaie sur soi ! De même, on m’explique que je n’ai pas le droit de prendre des photos durant le match. Il suffit qu’on me dise qu’un truc est interdit pour que je le fasse et je prends une petite dizaine de clichés m’amusant ainsi avec les stewards qui essayaient en vain de localiser d’où venait le flash.
A 3 minutes du coup d’envoi, le stade est quasiment vide. Puis tout d’un coup il se remplit à une vitesse effarante. Plus aucune place de libre ! C’est d’autant plus impressionnant quand on sait que 4 jours auparavant il y avait eu une rencontre plus intéressante ( demi-finale de Cup), qu’un ¼ de finale de Ligue des Champions avait eu lieu une petite semaine avant, que ce match de championnat (un jeudi à 19h) opposait une équipe de merde à un Chelsea assuré d’être européen la saison prochaine et enfin qu’il faisait 4°c et qu’il pleuvait des cordes (et bien sur moi j’étais dans la tribune en construction, donc non couverte !). Malgré cela, les 35000 places avaient trouvé preneurs ( prix moyen des places : 250 F). Parfaite illustration de ce qu’est la passion des anglais pour le foot mais aussi et surtout pour leur club.
Coté terrain : superbe match à tous les niveaux. Beau jeu, engagement physique et suspense sont au RDV. Coventry ouvre le score mais c’est Chelsea qui l’emporte 2-1 avec un Weah époustouflant, un Leboeuf solide et un Zola qui fait le spectacle. Coté tribune : on notera la présence de 2000 supporters de Coventry (c’est pourtant pas à coté !) qui chanteront beaucoup en 1ère mi-temps. Quant à l’ambiance de Stamford Bridge, elle est surtout faite d’un brouhaha continu de clameurs de joie ou de mécontentement mais comme tout le monde s’y met ça crée une pression intéressante. De même, tout le monde applaudit à la moindre occasion ou beau geste des « Blues ». En ce qui concerne les chants (lancés pour la plupart de derrière les buts de la tribune nord), ils sont courts, sans grande originalité, très peu variés mais très impressionnants car quand tout un stade se lève et les reprend, c’est splendide ! Tu t’entends plus penser, t’as des frissons sur tout le corps : en gros, c’est l’orgasme total. Tu oublies tout : le froid, le prix exorbitant de ta place, la crève et la cuite que tu vas te choper quelques heures après, etc…
A la sortie du stade, je suis surpris par le nombre de policiers à cheval qui arpentent les alentours du stade et toutes les rues avoisinantes. Mal à l’aise devant un tel dispositif, je termine ma soirée dans un pub ou règne une superbe ambiance à coups de chants et de rots au doux parfum de Guinness.
BILAN :
Ce fut donc une expérience très enrichissante (bien que cela ne vaille Glasgow ou Liverpool) mais je reste cependant sur un drôle de sentiment. En effet, on a l’impression d’une part que les supporters là-bas sont respectés (tous les joueurs ont salué longuement tout le stade et certains n’ont pas hésité à venir voir des mômes et leurs parents à l’échauffement, les joueurs ont une amende s’ils font un geste déplacé à un supporter (Emmanuel Petit s’est par exemple pris une amende de 60000 F pour avoir fait un petit fuck à un supporter adverse), etc…) mais que l’appât du gain prend souvent le dessus et les transforme en vulgaires consommateurs : prix élevés des places, le logo du club est posé sur n’importe quoi ( ça va du nain de jardin au bavoir en passant par le biberon), programme du match vendu à 40F, visite du stade payante, organisation d’anniversaire pour les mômes dans une partie de Stamford Bridge, etc…Par ailleurs, les mesures anti-hooligans semblent avoir fait leurs preuves (dispositif policier important, règles très strictes à l’intérieur du stade, prix des places faramineux, etc…) si bien que le public composé en général de familles est une vache à lait idéale pour les amateurs du foot business et représente une véritable référence pour nos dirigeants français. Mais que ces derniers descendent un peu de leur planète et ils verront bien que la passion anglaise n’est pas la même qu’en France : combien d’équipe aurait rempli leur stade dans ces conditions ? Est-ce que le public dit familial français chantent autant que son homologue anglais ? Le français est-il prêt à payer autant pour voir un match alors qu’il peut le voir à la TV ? Se déplacerait-il un jeudi à 19 h par un temps aussi pourri ? La réponse est évidemment NON car le public français (je ne parle évidemment pas des Ultras et autres supporters) est davantage spectateur qu’acteur et on ne peut changer la culture d’un pays même à coups de millions.
Je finirai finalement par évoquer rapidement comment les anglais ont réagi après le meurtre de 2 supporters de Leeds à Galatasaray. En effet, une véritable campagne anti-turque a été lancée en Angleterre et tous les journaux y vont de leur petit grain en présentant notamment les 2 victimes comme des gens respectables (photos avec leurs enfants à l’appui) et « oubliant » de mentionner qu’ils avaient bu comme des trous et qu’ils avaient sûrement un peu chercher la bagarre. Preuve de l’impact du foot dans ce pays, la nouvelle a fait la une pendant plus d’une semaine et les agences de voyage ont vu près de 80% de leurs réservations pour des séjours en Turquie annulées suite aux incidents (par peur sans doute mais également par solidarité). Un véritable boycott des produits turques est instauré et j’ai même vu un kiosque vendant des journaux turques et indiens complètement défoncé qui portait un tag « you’re banned ». De nouvelles attaques racistes ont été perpétrées (un turque s’est notamment fait cramer le visage) et les journaux populaires ( « The Sun ») ne font qu’entretenir ce malaise en laissant la parole aux lecteurs en colère. J’ai vu à la télé de nombreux stades ou des fleurs et des écharpes avaient été posées en signe de solidarité. Ce fut le cas même à Upton Park. Pourtant, quand on connaît le hooliganisme anglais, on sait que West Ham et Leeds n’étaient pas les meilleurs amis du monde ; ce qui me fait penser que si des supporters turques osent mettre les pieds sur le sol anglais, ils ne devront pas uniquement se méfier des supporters de Leeds… |