Kritik : Les Supporters de Football
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KRITIK
"Les supporters de football"
Retour de la rubrique Kritik avec aujourd'hui le livre Les supporters de Football, de Nicolas Roumestan, un étudiant marseillais, écrit dans le cadre de son mémoire de maîtrise d'ethnologie. En fait comme son nom ne l'indique pas au premier abord, c'est un livre sur les South Winners de l'OM.
L'auteur commence par un historique de ce groupe de supporters, depuis sa création en 87 jusqu'à la saison 95/96, moment de parution de cet ouvrage. Et d'abord, un récapitulatif des mouvements de supporters des diverses époques (hools, Ultras…) apparus dans les différents pays européens (Angleterre, Italie…) et les influences qu'ils ont eu sur le supporterisme en France. Les premières étapes des Winners sont alors décrites, depuis leur naissance par quelques potes, leur mentalité déjà différente et leur envie de se démarquer du CU84. S'en suit les différents changements de tribune, l'épisode FUW, leur premier local, le problème de la relève qui se pose etc…
On passe ensuite à la description complète d'une journée de match vécue chez les Winners. Ca commence par le bâchage et finit par le local, en passant par les tifos, l'ambiance, le débâchage etc… Il y a aussi une analyse de l'ambiance, qui varie tellement d'un match à un autre, ou plus exactement les facteurs qui font que l'ambiance est chaude ou non: l'enjeu, les rivalités historiques des clubs, les rivalités inter-Ultras.
Un chapitre est consacré aux déplacements, à ce qu'ils représentent, leur organisation (en 95/96, l'OM était en D2 et les Winners avaient du mal à faire régulièrement des bus), les délires qu'ils occasionnent et ce qu'il y a de tellement différent avec les matches à domicile.
On enchaîne avec tout sur le fonctionnement des Winners. A cette époque, les SW87 ne comptent "que" quelques centaines de membres, ou plutôt quelques centaines de sympathisants, la notion de membre étant réservée aux plus actifs, à ceux qui s'investissent vraiment, au noyau dur (présence en déplacements, au local…). Une dizaine de responsables gèrent le groupe à tous les niveaux. S'en suit une présentation de leurs activités à proprement parler ultra' et leur répartition: bâches, zine, gadgets, déplacements, local, sécurité au stade, budget…
Comme tous les groupes, les problèmes apparaissent et perturbent la vie du groupe. Les Winners n'y échappent pas et l'auteur nous parlent de ces tracas, qui sont ici essentiellement financiers et sociaux (les jeunes turbulents et peu imprégnés de la culture Winners sont à éduquer…).
Le chapitre IV s'intitule "L'existence d'une culture de groupe". L'auteur décrit le monde dans lequel vivent les Winners, à savoir le monde des Ultras, et tout ce que cela engendre au niveau de l'implication de ses membres, mais aussi les spécificités qui leur sont propres (on entend d'ailleurs aujourd'hui parfois dire, venant de Winners: "Nous ne sommes pas des Ultras, nous sommes des Winners"). South Winners rime également avec Marseille Indépendante, comme en atteste leurs banderoles et les propos recueillis. Sans surprise, les leaders se disent volontiers "Marseillais, pas Français", parlent de Marseille comme ville tellement différente, cosmopolite, qui fait qu'on aime ou qu'on déteste… On dévie alors sur la politique, où l'on apprend finalement rien d'exceptionnel. Les Winners représentent le cosmopolitisme de Marseille, de nombreux emblèmes et drapeaux (Cuba, Algérie, cannabis…) sont fièrement affichés, et "[leur] seule politique c'est d'être anti-fachos".
On finit par savoir quelles sont les relations des SW avec le monde extérieur. Les Winners (et les Marseillais en général) semblent privilégiés dans les relations avec leur club (je doute de cela aujourd'hui, de plus de nombreux groupes français ont des relations "normales" avec les clubs), même si avec les joueurs c'est pas vraiment ça, notamment à cause des trop grandes différences de classe entre ces mêmes joueurs et ces supporters.
Avec les autres supporters marseillais, les relations sont plutôt bonnes, exceptés avec les Ultras. Depuis toujours, les deux groupes sont différents sur de nombreux points, et les Winners revendiquent leurs différences qui font leurs points forts: un noyau plus restreint, une certaine identité, un rôle plus social, le refus du profit, le "système D" privilégié… Ces différences et ces rivalités sont historiques, elles font vivre les deux groupes, mais j'ai été surpris de voir combien de fois elles sont évoquées dans l'ouvrage.
Pour le reste, les relations avec les CRS (!), dirigeants du football et autres médias sont les mêmes pour tous: les Winners sont méfiants.
Le livre fait quand même plus de 200 pages, on y apprend beaucoup sur les South Winners, avec notamment quelques bonnes anecdotes. Il reste que l'on décèle des ressemblances avec notre groupe (et avec n'importe quel autre groupe ultra), lorsque sont évoquées les questions de l'organisation d'un déplacement, des jeunes à éduquer, de la relève à prendre, des relations avec le club, des tifos etc… |
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