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Kritik : Hoolifan

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« Hoolifan », subtil jeu de mot entre hooligan et football fan pour ceux qui auraient encore la tête dans le cul, est l’histoire d’un homme, Martin King, et de ses expériences dans le monde des hools anglais. En retraçant sa vie dans les tribunes (et en dehors) des années 60 aux années 90, il retrace en fait l’évolution du hooliganisme en Grande Bretagne. Il faut savoir que Martin King est une figure connue et reconnue des Headhunters (littéralement « les chasseurs de tête », le nom des hools de Chelsea). Pour preuve, la préface de Hoolifan a été écrite par John King, l’incontournable auteur de Football Factory (cf. Goujon Frétillant n° 34) et lui-même ancien de Chelsea.

Dès son plus jeune âge, ce sont les couleurs des Blues qu’il décide de porter puis de défendre lorsqu’il entre peu à peu dans le fameux « Shed », la tribune la plus chaude de Stamford Brigde. Dans les années 60, le look avait déjà une considérable importance car il permettait de bien se distinguer des autres supporters. On apprend également que les gars d’Arsenal étaient très respectés et que déjà West Ham et Millwall étaient des valeurs sures dans le monde du hooliganisme britannique. Chelsea n’était pas encore de ceux-là bien que le groupe se déplaçait en nombre (il faut compter en milliers) et le shed avait été « visité » plusieurs fois même par des petits groupes (Forest, Bristol City, Everton....), ce qui fait partie des pires humiliations quand on joue à domicile. On apprend aussi que contrairement aux idées reçues, le racisme n’est en vérité apparu qu’au milieu des années 70 et qu’avant cette période les gars écoutaient du reggae et que les blancs, les Indiens et les noirs se battaient les uns avec les autres et étaient tous dans la mouvance skinhead !

Martin King nous parle ensuite des moments de gloire des Headhunters mais aussi des mauvaises passes liées à de nombreux facteurs tels que les mauvais résultats de l’équipe (nombreuses relégations en 2ème division), la foi fragile de certains membres (études, boulot, copines, parents...) ou encore l’arrestation des principaux leaders à la fin des années 80 (Icky, Ecclès, etc...). Il décrit comment les groupes se doivent d’être plus organisés, comment les affrontements se sont déplacés des stades à des endroits plus discrets ; ce qui fait dire aux médias que le hooliganisme a quasiment disparu alors qu’au contraire il est encore plus violent parce que plus organisé et parce que certains codes d’honneur (non-utilisation d’armes blanches) ne sont plus respectés. Les médias justement sont fortement critiqués (« ... les incidents dont tu es sur qu’ils feront la une des journaux ne sont jamais évoqués mais tu liras des choses sur des bagarres lors de matches auxquels tu as assisté, qui ne se sont jamais passées. ») tout comme les flics (cf. Hillsborough) et l’emprise du fric sur le jeu et la passion.

Quant aux récits de baston, ils ont évidemment nombreux, détaillés, cruels, violents ( « ...dans certains endroits, je ne me battais plus pour Chelsea mais pour sauver ma peau... ») mais racontés souvent avec une petite touche d’humour typiquement britannique qui est présente, du reste, tout au long du bouquin. D’après Martin King, les meilleurs groupes dans ce domaine sont ceux de West Ham, Chelsea, Leeds, Man U, Leeds et Cardiff. On notera au passage qu’au début du mois de juin dernier, des gars de Millwall ont saccagé le centre ville de Cardiff, que de violents affrontements ont eu lieu avec plusieurs blessés et des dizaines d’interpellations. Mais il ne faut pas non plus oublier que les 2 clubs jouent en 3ème division ou la sécurité n’est pas la même comparée à celle qui existe en Premier League.

En conclusion, je dirais que contrairement à beaucoup de livres écrits par d’anciens hools, Martin King ne regrette pas ce qu’il a fait, ne condamne pas la violence et préfère laisser le lecteur tirer ses propres conclusions. C’est, d’après toutes les lectures que j’ai pu faire jusqu’à présent, un des tous meilleurs livres sur le sujet car l’auteur sait de quoi il parle, le style bien qu’emprunt de mots d’argot est agréable et amusant, et les propos sont intelligents.
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